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Systemique des couts sociaux 3La simplicité n'est qu'apparente

Une tâche vraiment si banale ?

Une intervention absentéisme dans une collectivité offrant un service de restauration scolaire nous a permis d’identifier un sujet au cœur de la prévention de l’usure professionnelle et de la QVT.

Au menu du jour il y avait de la soupe. Pour la soupe, la prescription est simple, n’est-ce pas ? La soupe, c’est de l’eau bouillante légèrement salée dans laquelle on fait cuire des légumes préalablement coupés. Puis on mixe le tout et c’est voilà, c’est déjà terminé. D’aucuns pourraient se dire : "C’est un plat qui ne va pas épuiser les agents de restauration".

Et pourtant…

Ce qui nous est apparu, c’est que la soupe, au contraire des « évidences », était le cauchemar des agents de restauration dans cette collectivité.

Pour comprendre cela il faut sortir de la prescription triviale « faire la soupe » et rentrer dans l’analyse de l’activité, ce que les ergonomes appellent le travail réel.

Qu’est-ce que c’est que faire la soupe dans le contexte de la restauration scolaire ? Pour faire court, j’insisterai sur trois points en particulier.

  • La première chose, c’est qu’il faut laver les légumes. Quand ils sont terreux, c’est vite une galère. Comme il faut travailler vite pour servir les enfants à midi, les agents peuvent se couper dans la précipitation. La propreté des légumes dépend du contrat passé avec le fournisseur, on se trouve donc ici dans un choix qui oppose clairement le coût aux risques professionnels.
  • Second point, comme il s’agit de restauration scolaire, la cocotte-minute bien sûr n’est pas adaptée. La soupe mijote dans de grands bacs en inox. Le taille du mixeur est également adaptée au volume et à ce stade se pose la question des tenues de travail. Dans cette collectivité, la tenue fournie aux agents est à manches courtes et c’est ce qui est le plus souvent adapté. Le plus souvent, mais pas pour la soupe car les projections brûlent les bras. La soupe évoque donc aux agents des risques de coupures et de brûlures.
  • Mais c’est le troisième point qui est le plus édifiant. Pour ce volume de soupe, on ne peut décemment remplir les récipients avec une louche. La cuve en inox est donc équipée d’un robinet en son point bas, ce qui permet à la soupe de se déverser dans les récipients. C’est là que les choses se gâtent sérieusement. Pour recevoir la soupe, ces récipients en inox sont placés quasiment au niveau du sol. Le problème c’est qu’une fois remplis il va falloir les porter sur le chariot, car les enfants ne vont pas venir ramper pour se servir !

Soyons précis, on parle là d’un lever d’une charge aux alentours de 10 kg sur une amplitude dépassant un mètre cinquante par des agents, dont 95% sont des femmes d’une taille avoisinant 1m65 en moyenne. Posture traumatisante pour le dos, les épaules, effectuée rapidement et des dizaines de fois dans la matinée. Voilà pourquoi la soupe est un cauchemar pour les agents de restauration. 

La différence entre travail prescrit et travail réel

Que retenir de cette histoire ? Tout simplement qu’il existe potentiellement une différence majeure entre ce qui est demandé, ici faire de la soupe, et ce que cela implique pour celles et ceux qui réalisent la tâche. C’est dans cette différence que naît l’usure professionnelle. C’est aussi dans cette différence que naît l’incompréhension entre ceux qui prescrivent et ceux qui réalisent l’activité. Incompréhension qui conduit souvent au désengagement, lequel s’ajoute donc aux problématiques de santé liées à l’usure professionnelle.

Aussi il est important, et ce pour toute activité professionnelle, d’analyser le travail réel, de solliciter les personnes qui l’effectuent pour le décrire et de tenir compte de ces retours pour moduler la prescription.


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