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Chroniques QVT

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Covid 19

Le coronavirus va transformer, espérons-le momentanément, notre manière de vivre mais également notre manière de travailler. L’occasion est à saisir pour réactualiser un outil trop peu utilisé en dehors des crises majeures : le Plan de Continuité d’Activité (PCA).

L’expérience de la pandémie grippale avortée de 2009, nous a permis de tirer des riches enseignements et de mieux identifier les impacts de cette situation sur toutes les organisations. En particulier, les conséquences sur le travail des personnes non infectées ont pu être évaluées. Car dans ce contexte, celles-ci devaient assurer la production des biens, équipements et les services publics ou commerciaux.

Le principe même du PCA est de permettre à toute organisation, petite ou grande, stratégique ou non de pouvoir poursuivre sa production ou ses services, dans un climat de crise c’est-à-dire dans une situation organisationnelle dégradée.

Un bouleversement massif de l’organisation

Le développement du coronavirus, tant au niveau local que mondial, modifie l’ensemble des circuits. Ainsi les chaînes d’approvisionnement sont perturbées voire annihilées. Les importations de certaines matières premières se tarissent, des produits manufacturés ne parviennent plus à leur point de vente. A l’inverse, des produits élaborés sur le sol français vont devoir être stockés faute de pouvoir être expédiés dans des pays qui ont fermé leurs frontières. A ces approvisionnements externes viendront aussi s’ajouter les reports ou défections d’approvisionnements locaux du fait des fortes perturbations dans nos propres entités, comme par exemple, si la SNCF supprimait massivement des trains.

La modification de la chaîne des approvisionnements va transformer les modes opératoires au sein des entreprises concernées. Le secteur logistique sera en première ligne, des ports jusqu’aux centrales d’approvisionnement. Il va falloir trouver des palliatifs, travailler autrement, stocker différemment, recourir à d’autres sources. Autant d’activités de travail qui vont assez soudainement être adaptées sans grande préparation.

Outre la chaîne d’approvisionnement, une deuxième couche de bouleversement vient perturber le travail des organisations : l’absentéisme. Si le coronavirus se propage, chacun est susceptible de le contracter et donc de s’absenter du travail. Les organisations habituées à un taux d’absentéisme compris entre 5 et 10 % risquent de se retrouver avec des niveaux d’absence de plus de 20% ou 30 %.

La question est donc :
Comment peut-on tenir une production ou une qualité de services avec un effectif réduit brutalement ?

Enfin, la troisième nature du bouleversement relève de la modification obligatoire des comportements, absolument nécessaire, pour limiter la propagation et protéger toutes les personnes non atteintes. On sourit quand une ancienne ministre de la santé propose de se dire bonjour en se tapant du coude ou du pied, mais l’impact est bien au-delà de cette nouvelle pratique amusante de la politesse. Elle signifie des contrôles réguliers de chacun, un port de masque permanent (pénible pour travailler, les agents de caisse des supermarchés confirmeront) et une relation à l’autre différente dans l’ensemble des interactions professionnelles, en particulier avec les clients. Pas si amusant que cela Mme le Ministre !

Activer les plans de continuité d’activité

Le plan de continuité d’activité (PCA) est un outil de travail méthodologique qui permet d’envisager la gestion de la continuité d’activité. La norme ISO22301 le définit comme un « processus de management holistique qui identifie les menaces potentielles pour une organisation, ainsi que les impacts que ces menaces, si elles se concrétisent, peuvent avoir sur les opérations liées à l’activité de l’organisation, et qui fournit un cadre pour construire la résilience de l’organisation, avec une capacité de réponse efficace préservant les intérêts de ses principales parties prenantes, sa réputation, sa marque et ses activités productrices de valeurs». Ouf ! En clair, il s’agit pour le dirigeant d’anticiper des événements qui peuvent atteindre de manière drastique la performance globale de son organisation.

Le contenu de ce plan de continuité suggère un travail d’anticipation à conduire selon une démarche réflexive intense et participative. Le plan permet de dégager les activités essentielles à tenir quoi qu’il arrive. Il est plus que probable qu’au sein de l’organisation des avis divergeront sur les périmètres de ces activités essentielles. Les « affrontements » entre les services, équipes ou directions sur cette notion d’activités essentielles sont certains. C’est d’ailleurs là tout l’intérêt de l’anticipation qui conduit à mener des débats, parfois passionnés, hors du contexte de crise. Le résultat n’en sera que meilleur et sécurisant pour l’organisation. Disons qu’il vaut mieux avoir ces échanges tendus par temps calme !

Le plan de continuité est aussi un plan d’évaluation des risques, de tous les risques : accident industriel, environnemental et impact sur la santé des personnes au travers des risques professionnels. Insistons sur ce point. La situation génère des paradoxes, qui, s’ils ne sont pas dépistés, peuvent induire des raisonnements faussés. Par exemple, en parlant de santé, la focalisation se fait sur le virus et dissimule les autres risques professionnels. Il n’y a pas à proprement parlé de « nouveaux risques » mais la situation de la crise les condense tous au cœur des activités de travail. Le stress induit par la situation et le comportement des clients par exemple ou par l’urgence met les personnes sous tensions. Les aléas impromptus dans ce type de situation surviennent à chaque instant, l’attention à la sécurité se relâche. Le manque de régulation par le collectif de travail comme l’entraide est au point mort du fait des nombreuses absences. L’inquiétude de ne pas bien faire la tâche demandée parce que l’on fait à la place de l’absent peut angoisser. La méconnaissance des lieux ou des outils manipulés parce que l’on supplée un collègue malade nuit à sa propre protection faute d’une expérience sur les savoir-faire de prudence lié à ce poste etc. On prévient la contamination et les autres risques se démultiplient !

Le plan se transforme aussi en un cahier des charges vis-à-vis des fournisseurs, voire des clients. C’est sous cet angle que l’impact de la diffusion du virus va enclencher les bouleversements dans les organisations. Le tissu économique relie toutes les activités humaines dans un vaste jeu de dominos. Chacun va alors chercher à se préserver par rapport à l’avenir et déporte des contraintes sur d’autres acteurs économiques et ainsi de suite, dans un mouvement de tornade provoqué par un battement de papillon. Par exemple : certaines entreprises fermeront leur guichet pour éviter des contacts, ce qui perturbera clients ou fournisseurs pour accéder aux services. Le plan de continuité prévoira un autre moyen de contact qui à son tour modifiera la façon de travailler du fournisseur ou du client. Lui-même engagera sa réflexion interne pour faire face à ce qui dictera chez lui, de nouvelles mesures par exemple de délais et ainsi de suite…

Le plan de continuité doit être guidé par des objectifs qu’il appartiendra à l’équipe en charge de la direction de l’organisation de bien poser et surtout de le faire savoir à l’ensemble de ses acteurs internes notamment aux partenaires sociaux.

Prévoir le travail

Les guides autour des plans de continuité sont nombreux mais en y regardant de près, peu évoquent la question du management du travail en période de crise. Les secteurs dits sensibles de l’économie ont depuis toujours prévus des PCA. Les risques d’attaque guerrière ou d’attentat dans des grands sites stratégiques d’énergie ou militaire disposent de plans précis et concrets. Les banques, les opérateurs téléphoniques, les sociétés informatiques et bien d’autres déjà se sont préparés à toutes ces éventualités. Les hôpitaux en cas de catastrophes majeures sont pareillement dotés de tels outils. Là où le bât blesse, c’est dans le cadre des activités courantes où on peut faire un effort d’organisation momentané, mais où la préparation durable de la situation inédite n’est pas, voire jamais, activée. Si cette situation survient, ce sont les personnes présentes qui vont devoir supporter toute la charge de la situation. Si celle-ci est brève, l’obstacle sera franchi mais sur une période plus longue de contamination virale s’ajoutera très vite un épuisement des forces vives non atteintes.

Le plan de continuité d’activité simplifié

Ce n’est pourtant pas si compliqué de tenter de prévoir comment se déroulera le travail dans cette période de crise. Lors de l’épisode de 2009, l’ANACT avait montré comment anticiper le travail dans les supermarchés pendant (à cette époque) la probable pandémie grippale. La démarche se situait autour de l’idée de scénarios de travail. La construction de ces scénarios reposait sur l’identification des activités essentielles, la prise en compte du comportement du public et la présence aléatoire du personnel. Les activités essentielles consistent, dans un supermarché, à la mise à disposition dans les rayons de denrées de première nécessité qui croise avec le comportement du public dont on sait qu’il va se ruer sur le lait, le riz, les pâtes et les eaux minérales par son instinct de survie. L’intérêt de cet exemple réside dans les hypothèses posées par le directeur du magasin : combien me faut-il de personnel pour ouvrir le magasin ?

Cette hypothèse est majeure et oscille entre les deux pôles : de tous sont présents et tous sont absents. Où se situe la limite possible et acceptable du fonctionnement en mode dégradé ? Difficile de répondre à cette question parce que le coronavirus frappe sans se soucier le moins du monde du poste tenu, il peut donc atteindre le directeur général, le préposé aux approvisionnements, l’hôtesse d’accueil, l’agent de sécurité, le comptable… Le jeu des scénarios est d’envisager les conséquences de ces absences et les supplétifs possibles. Derrière ceux-ci, les actions se mettent en place : communication, explications, formation, mobilisation donc anticipation.

Dans l’exemple évoqué ci-dessus, le directeur considère que le magasin doit être en état de fonctionner avec 50 % de l’effectif. Il a donc effectué plusieurs tirages au sort d’absents et à chaque fois envisagé les scénarios. Le PCA est devenu un outil dynamique organisationnel.

Comme en 2009, espérons que la contamination aura une propagation limitée et que ce virus sera maîtrisé. Si ce n’est pas à cet espoir qu’il faut se raccrocher, car l’expérience le montre, un autre virus, apparaîtra recréant des situations analogues. L’intérêt est donc de se préparer, la désorganisation conduit à toutes sortes de faillite. Aussi faisons d’un PCA avec ses mises à jour régulières, un outil de pilotage des organisations prenant en compte les probables réalités du travail dégradées qu’une catastrophe externe peut provoquer.


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